Restitution du 2e Avis Citoyen : des priorités partagées

Le 2 juillet 2025, à PariSanté Campus, la Fondation Roche et ses partenaires : la délégation au numérique en santé (DNS), la Croix-Rouge française, son accélérateur d’innovation sociale 21, la Mednum et l’agence des programmes de recherche en santé de l’Inserm ont présenté un Avis Citoyen avec 16 propositions pour faire du numérique un véritable levier de la prévention en santé des publics vulnérables.

Cet Avis Citoyen a été présenté par des citoyens ayant participé à la démarche et a été discuté avec les partenaires de la Fondation Roche et des experts du numérique et de la santé ainsi que des représentants des pouvoirs publics.
Il a été réalisé sur la base des enseignements de la deuxième édition de l’Observatoire de l’accès au numérique en santé, publié en octobre 2024, qui avait mis en lumière trois grands défis à relever pour améliorer la prévention en santé des publics vulnérables grâce au numérique :

Défi n° 1 : rassurer, pour construire la confiance, clarifier les messages de prévention, et les véhiculer via des relais de proximité ;

Défi n° 2 : personnaliser, pour adapter les outils aux réalités de vie et aux contextes territoriaux ;

Défi n° 3 : accompagner, pour garantir un soutien humain permettant à chacun et chacune d’utiliser les outils numériques en toute confiance.

L’Avis Citoyen formule ainsi 16 propositions concrètes élaborées à la suite d’une Convention Citoyenne qui a réuni 30 citoyens issus des Hauts-de-France touchés par des vulnérabilités sociales, économiques ou médicales, organisée en mai 2025.

Son objectif ? Donner directement la parole aux citoyens, afin qu’ils puissent exprimer leurs besoins et proposer des solutions adaptées à leur réalité.

Ensemble, ils ont échangé sur leurs attentes pour améliorer la prévention en santé grâce au numérique en deux temps :

  1. D’abord au cours d’ateliers, qui leur ont permis de partager leur rapport à la prévention en santé, au numérique en santé, et surtout d’identifier leurs besoins.
  2. Ensuite à l’occasion d’un débat en plénière pour formaliser des propositions répondant concrètement à leurs besoins et constituant l’Avis Citoyen.

La journée du 2 juillet 2025 a permis à trois rapporteurs citoyens de présenter le fruit de leur démarche à un panel d’acteurs experts de la prévention – et plus globalement de la santé – du numérique et de la médiation.

« Je me suis sentie utile, écoutée, comprise »

Une citoyenne de la Thiérache

Une vision partagée pour l'avenir du numérique en santé

Le numérique en santé, bien accompagné, présente de nombreuses opportunités : il « peut nous aider à retrouver [le sens du soin], à renforcer la coordination, la prévention, l’accès », a argumenté Yann-Maël Le Douarin (conseiller médical de la DGOS) en conclusion de la journée du 2 juillet.

Mais surtout, nous sommes tous relais de la transition numérique qui est en train de profondément renouveler notre système de santé : « la prévention et l’aller vers ne peuvent pas reposer uniquement sur les professionnels de santé ou les médiateurs numériques. C’est l’affaire de tous, de chaque citoyen, de chaque famille » a-t-il ajouté.

« Des initiatives comme la Convention Citoyenne nourrissent justement cet engagement citoyen en faveur de la transformation du système de santé. Ce genre de démarches est à encourager, pour permettre de faire remonter toutes les idées pouvant aider à accompagner la profonde transformation de notre système de santé », a conclu le conseiller médical de la DGOS.

Retours sur le contenu de l’Avis Citoyen

Défi n°1 : « rassurer », bâtir la confiance dans le numérique en santé

Les citoyens ont mis en évidence deux obstacles majeurs au déploiement du numérique en santé : les outils associés sont souvent méconnus, et ils n’inspirent pas toujours confiance.

Pour y remédier, plusieurs propositions ont été faites, parmi lesquelles :

  • La mise en place d’une campagne de communication consacrée à Mon espace santé.

Une campagne proactive permettrait de généraliser l’usage d’une plateforme « très utile pour centraliser les informations de santé », comme l’a expliqué Smaïn, rapporteur citoyen. En effet, si cet outil fait déjà l’objet d’un bon accueil par les usagers – 1,4 % seulement d’opposition à Mon espace santé, comme l’a souligné Marianne Billard, chargée des projets de prévention pour la Délégation au numérique en santé (DNS) – l’appropriation de la plateforme par les usagers n’est pas toujours effective, d’où l’intérêt d’une campagne de communication dédiée.

  • Le recours à des influenceurs pour relayer les messages de prévention.

« Les réseaux permettent de diffuser des messages de manière plus pédagogique, plus directe, parfois même plus percutante qu’un discours institutionnel », a souligné Smaïn. Cette réalité a d’ailleurs déjà été bien identifiée par Santé Publique France, comme l’a mis en lumière Emmanuelle Hamel, coordinatrice approche populationnelle de l’agence. Santé Publique France collabore en effet depuis une dizaine d’années avec des influenceurs, ce qui a permis de générer « plusieurs milliards d’impressions » sur des sujets cruciaux de prévention.

Mais citoyens comme experts se sont surtout accordés sur un point : pour rassurer, il faut avant tout capitaliser sur l’accompagnement humain. « Le numérique ne doit pas être l’alpha et l’oméga », a rappelé Jean-François Moreul, président de la Fédération des CPTS. Fabienne Pioch-David, directrice de la filière sanitaire de la Croix-Rouge française, a abondé dans son sens en rappelant que le lien humain prime lorsqu’il s’agit d’aborder les questions de préventionv: « le premier besoin, c’est la relation humaine et la proximité ».

Défis n° 2 : « personnaliser », une prévention au plus près des besoins individuels et territoriaux

La Convention Citoyenne a aussi permis à chacun d’exprimer un ressenti partagé : les campagnes et actions de prévention sont souvent inadaptées à leurs profils ou à la réalité de leur territoire.

Pour y pallier, deux propositions en particulier ont été discutées au cours de l’événement :

  • Adapter Mon espace santé à la prévention personnalisée.

Pour que chaque assuré soit « informé au bon moment et au bon endroit », il faudrait intégrer « un inventaire complet de l’offre de santé locale » à Mon espace santé, a expliqué Sofian, rapporteur citoyen. Cette ambition se heurte toutefois à un problème technique, explicité par Marianne Billard (DNS) : à ce jour, la DNS ne dispose pas de la localisation de l’usager, donnée pourtant cruciale pour « l’éducation thérapeutique de proximité ».

  • Développer des programmes de prévention en s’appuyant sur les données de santé des territoires.

L’utilisation des données de santé permettrait d’aller vers une prévention plus personnalisée, adaptée aux besoins de chaque territoire, a justifié Sofian. Cet usage des données, pour être efficace, devrait être porté par une gouvernance entièrement locale, qui associe usagers et acteurs pour piloter la prévention. Jean-François Moreul (CPTS) défend ainsi une « gouvernance quadrupède », qui réunirait « les élus locaux, les CPTS, les établissements de santé et, surtout, les usagers ».

Une question centrale demeure toutefois pour concrétiser cette proposition :

« Comment amener les citoyens à accepter de partager leurs données, tout en garantissant leur sécurité et leur usage éthique » ?

Franck Mouthon, Directeur de l'agence des programmes de recherche en santé de l'Inserm

Si la personnalisation peut rendre certaines politiques de prévention plus efficaces, il faut toutefois veiller à ne pas « s’appuyer uniquement sur une approche individuelle et comportementale », a alerté Emmanuelle Hamel (SPF) en conclusion de ce défi, « car la santé est aussi liée à des déterminants sociaux » plus généraux – « une approche collective reste donc nécessaire ».

Défi n°3 : « accompagner », renforcer l’humain au cœur du numérique de santé

Les citoyens ont enfin souligné l’importance d’accompagner les usagers. Cela part d’un constat simple : le numérique est indéniablement un levier pour la prévention, mais ce potentiel est obéré par une fracture numérique persistante et un besoin criant d’aide à l’utilisation.

Pour y remédier, les citoyens ont élaboré plusieurs propositions, dont deux ont été discutées en grand détail au cours de l’événement :

  • Lever les freins d’accès au numérique.

Les freins à l’utilisation du numérique en santé sont multiples, a souligné Sandrine, rapporteure citoyenne : beaucoup d’objets numériques dédiés à la santé   restent souvent trop coûteux », et tout le monde n’est pas forcément au clair sur la façon de les utiliser. Mettre ces objets gratuitement à disposition dans des lieux de santé serait une première piste pour les diffuser davantage – à condition que ce soit assorti d’un accompagnement personnalisé. En effet, comme l’a rappelé Nicolas Milleville (Ordre des Infirmiers), « le numérique est un outil pour améliorer les soins, mais ne [peut pas remplacer] la relation humaine ». Cette forme d’accompagnement pourrait être assumée par une fonction émergente, celle des « médiateurs en santé », mentionnée par Emmanuelle Hamel (SPF). Ces personnes peuvent servir « d’interface entre les professionnels de santé et les publics en situation de vulnérabilité », pour aider tous les assurés, y compris les plus vulnérables, à intégrer le numérique en prévention à leur quotidien.

  • Aider à l’activation de Mon espace santé auprès du plus grand nombre, via des actions de proximité

Dans la même logique, mettre en place des temps de médiation pour accompagner les personnes intéressées dans la prise en main de Mon espace santé permettrait de généraliser l’usage d’une plateforme importante dans le parcours de santé. Cet enjeu de médiation a d’ailleurs été bien identifié par la DNS, souligne Marianne Billard : l’agence a en effet mis en place un réseau d’ambassadeurs du numérique en santé, qui aide à l’appropriation de l’usage de la plateforme. Ce réseau, lancé juste après Mon espace santé, « réunit aujourd’hui 3 200 personnes » et a déjà accompagné 450 000 personnes, a-t-elle témoigné.

Le contact et le lien humain est absolument indispensable au déploiement du numérique en santé, ont conclu citoyens et experts. L’investissement dans de nouveaux outils numériques doit absolument s’accompagner de campagnes de médiation dans les territoires :

« l’accompagnement humain et la médiation sont essentiels pour que ces outils soient réellement efficaces ».

Laure Ménager, responsable de programmes et d’innovation à 21 

Programme de la restitution du 2e Avis Citoyen

Le virage du numérique en santé : un enjeu collectif

En conclusion, et pour reprendre les mots de Yann-Maël Le Douarin : « Nous vivons une transformation majeure : le numérique, et plus encore l’intelligence artificielle, sont en train de changer profondément nos vies, et pas uniquement notre système de santé. »

La prévention et l’aller-vers ne peuvent pas reposer uniquement sur les professionnels de santé ou les médiateurs numériques. Elle est l’affaire de tous, de chaque citoyen, de chaque famille. Aider ses parents ou ses grands-parents à créer un compte, à comprendre un outil numérique, c’est déjà contribuer à la santé publique.

Cette conscience citoyenne en santé constitue un levier essentiel pour accompagner les grandes transformations à l’œuvre. Elle repose sur l’idée que chacun, à son niveau, peut devenir un maillon actif de la chaîne de prévention, de compréhension et d’orientation. La démarche engagée ici en est une illustration concrète : chaque citoyen formé aujourd’hui devient potentiellement, dès demain, un relais dans son entourage, capable d’expliquer, de rassurer, d’accompagner. En diffusant ces savoirs et ces pratiques, c’est toute la société qui se renforce collectivement face aux défis de santé.

« La démarche qui vous a réunis ici est exemplaire. »

Yann-Maël Le Douarin, Conseillé médical de la DGOS

Credits Photos : Julie Bourges